Pourquoi on ne parle jamais des méthodes de travail ?

Les entreprises cherchent à se développer voir à maximiser leurs résultats et c’est bien la logique. Pour cela, elles ont 3 axes possibles sur lesquels elles peuvent agir, mais souvent, elles n’actionnent que les 2 premiers et trop rarement le 3ᵉ :

  1. Développer ses ventes, en recrutant des commerciaux, en mettant en place une stratégie digitale d’acquisition
  2. Faire des économies, en épluchant les factures, en faisant jouer la concurrence, en rediscutant les contrats, en traitant souvent avec le moins disant
  3. Gagner en productivité (le gros mot). Les entreprises industrielles sont parfaitement bien rodées sur le sujet, ou un autre secteur m’interpelle, c’est celui de la restauration. Peut-être le fait d’avoir mes trois frères dans le domaine, mais visitez une cuisine. Tout est calculé pour gagner du temps, pour sortir les plats le plus vite possible avec le moins de temps et le moins de monde possible. Pour cela, il y a de la méthode, voire des principes de l’armée. C’est d’ailleurs pour cela que l’on appelle « La Brigade » et « le chef ».

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En gros, le 1er poste de dépense est totalement négligé. Pourquoi ? Je ne sais pas, certainement parce que l’on se dit que les gens maîtrisent. Or sur ce sujet, tout le monde n’est pas à égalité.

Certains vont trouver le chemin seul, c’est vrai, mais ils ne sont pas nombreux (par contre beaucoup vont penser que c’est le meilleur chemin). D’autres ne seront pas capables de le retrouver et attendent qu’on les mette sur la bonne route avec la bonne méthode de travail, et là, ils vont exceller. 

Regardez comment ça se passe dans la majorité des entreprises. Le collaborateur est recruté, on lui donne un ordinateur (pas toujours le 1er jour ) et hop, c’est parti, il peut travailler et va se débrouiller. On considère qu’il maîtrise :

  • La messagerie électronique (combien d’entre vous ont eu une formation pour bien maîtriser Gmail ou Outlook ?) Pas grand monde en interrogeant autour de nous. Et pourtant, le mail est l’une des premières sources de stress et charge de travail.
  • Le rangement des documents : souvent, il n’y a pas d’Intranet pour centraliser. Il faut demander aux collègues pendant des mois pour trouver les bons documents.
  • L’organisation du travail 
  • Les logiciels communs
  • La gestion de son temps
  • La communication interne, qui dans la majorité des cas n’est pas organisée. Résultat : toute la communication se fait par mail, et les réponses « Répondre à tous » se multiplient. Il y a donc plus de mails, plus de pollution digitale, plus de travail pour tous, plus de stress, plus de mal-être.
  • Des réunions, ni structurées, ni efficaces, aucun suivi d’actions, puisque les choses ne sont pas posées. L’un des éléments les plus démotivants pour les salariés et qui est l’une des raisons des départs d’une entreprise.

Et ce ne sont que quelques exemples, on peut en trouver beaucoup d’autres. Mais juste sur ceux-là, quand on calcule le coût caché, donc le gain direct que l’entreprise peut réaliser, c’est juste énorme.

Coût des réunions : 1 réunion de 1h30 toutes les semaines (45/an) avec 10 personnes autour de la table, vous coûte 20 000 euros. Faites l’exercice du coût total des réunions dans votre entreprise, vous allez voir que vous ne regarderez plus les choses de la même manière et vous vous attacherez plus qu’aux réunions réellement utiles et fructueuses. 

“C’est la question que je me pose systématiquement quand on me parle de faire une réunion : est-elle utile ? Pour décider quoi ? Et qui doit être autour de la table ? Les personnes vraiment utiles pour le sujet, pas celles invitées pour l’orgueil.”

Gain de productivité : si vous êtes 300 personnes et que vous faites gagner 30 min par jour et personne, c’est une économie de 945 000 euros. C’est juste l’équivalent de 18 ETP sur l’année !

Depuis 4 ans, nous avons réalisé ce travail de fond chez MV Group. Nous avions déjà pas mal optimisé les choses, mais notre “Learning expédition” au Danemark a été une révélation en visitant une entreprise de 50 personnes organisées de façon impressionnante.

Nous avons créé une team de développement interne pour fluidifier les choses et les rendre plus efficaces. Et finalement, ce sujet est maintenant au cœur de notre stratégie, car il coche de nombreuses cases. 

  • C’est bon pour la planète : nous avons fortement diminué le nombre de mails (-30%)
  • C’est bon pour le bien-être des salariés : moins de stress, moins de charge cognitive et un travail plus confortable et plus intéressant.
  • C’est bon pour les clients : un meilleur niveau de service, en optimisant le temps passé sur les sujets à plus forte valeur ajoutée.
  • C’est bon pour l’entreprise : des gains de productivité (15% en moyenne sur les 3 dernières années), un taux de fidélité client qui augmente, des salariés mieux dans leur travail, un turn over en forte baisse cette dernière année passant de 16 à 9%

Ce sujet est un chantier complexe et lourd, car il impacte toutes les équipes, y compris les directions générales, parce qu’elles doivent être valeur d’exemple. 

Quand nous avons lancé le projet, nous nous sommes tous promis de nous y mettre en même temps. Au Danemark, dans cette fameuse entreprise, nous avons appris que pour embarquer les équipes, il fallait organiser les choses, dédier une personne par sujet, avancer tous ensemble et planifier 1 sujet structurant par mois. 

Nous avons été ambitieux, mais nous voulions aller vite. Ceux qui me connaissent me reconnaîtront. Nous avons lancé 6 projets en 6 mois. 

“L’objectif était de récolter les fruits le plus vite possible, ça a été une période intensive et une charge cognitive importante pour les équipes avec beaucoup de changements à suivre »

Depuis des années, nous vivons une véritable révolution technologique avec de nombreuses solutions de productivité qui apparaissent tous les jours, qui impactent notre travail, mais les méthodes de travail, elles, n’ont pas changé, se sont toujours celles d’hier. 

Résultat : les solutions s’entassent les unes sur les autres, elles se cumulent, créant davantage de complexité, d’anxiété chez les collaborateurs et un sentiment de mal-être alors que le but de ces solutions est tout le contraire.

Regardez ce qu’il se passe dans la fonction publique ! Beaucoup de nouveaux outils, ou des investissements de modernisation ont été déployés. Pour autant, nous n’avons jamais entendu autant : « Ils nous faut plus de monde, recrutez ! » « Si ça ne fonctionne pas, c’est que l’on n’est pas bien payé ». Mais jamais on entend « On doit pouvoir s’améliorer ».

Il y a d’ailleurs des organisations dans lesquelles les employés ont des primes « informatique ». Cela signifie qu’ils ont une prime pour travailler sur ordinateur ? Et sinon, ils seraient toujours avec une machine à écrire ? 

Or ce n’est pas parce que l’on est augmenté que l’on va mieux travailler. Si on ne sait pas faire, ce n’est pas une question d’argent, mais de savoir-faire. Si c’est lié à l’argent, c’est que le travail n’est pas fait. La rémunération joue sur la motivation, l’engagement, la reconnaissance, mais pas sur le fait de bien faire. Par contre l’inverse est vrai, si on sait faire, on est plus performant, et donc on est augmenté, et si l’employeur ne reconnaît pas cette compétence, on n’a plus de valeur sur le marché.

Pour s’améliorer en méthode de travail, on peut être aidé par l’entreprise, si elle s’occupe de ce sujet, comme nous essayons de la faire au quotidien.

Mais si ce n’est pas le cas, comme dans beaucoup d’entreprises, c’est un sujet que chaque collaborateur doit s’approprier, puisque ça améliore avant tout sa qualité de travail, sa productivité personnelle et donc sa valeur.

Je me souviens d’un retour d’expérience, il y a 4 ans. Nous étions au mois d’août, j’avais un peu plus de temps, et j’avais proposé à un collaborateur d’échanger ensemble pour l’aider à gagner en efficacité. Il était toujours en retard, faisait trop d’heures et était souvent en difficulté avec ses clients, ce qui créait de l’insatisfaction avec eux et avec ses collègues. Ma phrase de démarrage était la suivante : « Je voulais voir comment je peux t’aider à gagner du temps pour travailler plus confortablement ». Sa réponse a été cinglante « Tu es en train de dire que c’est de ma faute, tu ne dis pas que c’est l’entreprise qui me donne trop de travail ». Inutile de vous dire que la suite n’a été très agréable. Je lui ai expliqué que depuis 16 ans, nous avions suffisamment de recul pour connaître la charge de travail possible par les collaborateurs et que nous faisions attention à ça justement. Il m’a répondu que lui n’avait que des clients compliqués, qu’ils ne comprenaient rien, qu’ils ne répondaient pas à ses mails, et qu’il devait faire beaucoup de RDV physique avec eux.

En résumé, les autres étaient tous responsables, mais lui n’était pas le sujet.

Cinq mois après notre point, il a décidé de quitter l’entreprise, son portefeuille client a été repris par un de ces collègues et comme par magie, les clients compliqués sont devenus agréables, ceux qui ne comprenaient pas, comprenaient, ceux qui voulaient des RDV estimaient que ce n’était pas nécessaire. Les clients étaient servis dans les délais définis et il faisait juste des heures. J’ai passé du temps entre l’entretien d’août et le remplacement pour analyser ce qui avait changé dans la méthode entre les 2 collaborateurs.

  • Le 1er faisait des mails à rallonge qui ne parlaient que techniques alors que le remplaçant faisait des mails plus courts et plus concrets sans rentrer dans les détails techniques.
  • Dans les mails du 1er , on ne savait pas ce qu’il attendait de son destinataire dans ses conclusions alors que le 2ᵉ c’était bien clair « Merci de me faire part de votre choix pour vendredi, entre l’hypothèse 1 ou l’hypothèse 2.
  • Le 1er n’avait pas de réponse à ses mails qui ne donnaient pas envie, il devait les relancer en permanence et prenait du retard dans son travail et ses livrables alors que le 2ᵉ obtenait ses réponses et pouvait avancer ensuite.
  • Les clients du 1er demandaient des RDV pour réussir à se faire comprendre et à comprendre alors que le 2ᵉ n’avait pas besoin.
  • Les résultats du 1er étaient moins bons que ceux du 2ᵉ, alors il fallait justifier le travail réalisé, refaire un plan d’actions, etc.

Cette expérience est assez criante et a été une excellente source d’inspiration pour travailler nos méthodes et qu’elles soient plus homogènes. Ça a aussi été un formidable exemple dans l’entreprise, car parfois, il arrive que le management intermédiaire puisse douter et de se demander si ce n’est pas le collaborateur qui se plaint qui a raison.

“Moi personnellement, je ne veux pas me faire guider par les personnes qui se plaignent si on ne peut pas se poser pour trouver des solutions pour améliorer les choses. C’est bien le rôle du manager que d’aider son équipe à progresser et au final à améliorer l’entreprise.”

Ce sujet est un sujet collectif, mais dont chacun d’entre nous peut s’améliorer par lui-même.

C’est exactement ce que je m’efforce de faire depuis mes 32 années d’expérience, qui me permettent de continuer à progresser quotidiennement. Je suis même assez passionné par le sujet maintenant. Quand on voit comment ça nous permet de repousser nos propres limites.

Les repousser oui, mais réussir à le faire en étant en sérénité, c’est tout l’enjeu et le challenge que je m’impose pour en faire bénéficier l’ensemble de nos équipes.

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Article écrit par

Olivier Méril

La stratégie digitale est un univers passionnant à explorer et encore plus à partager. Avec mes collaborateurs, nous avons à coeur de vous communiquer notre expérience et notre savoir-faire.

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