Comment faire face à la nouvelle pénurie : l’attention

Je suis surpris de ne jamais entendre parler de ce sujet, conséquence de nos nouveaux comportements dont les retombées sont importantes dans chacun de nos échanges au quotidien… l’attention.


En quelques années, Internet a changé nos usages, mais l’apparition du smartphone a considérablement accéléré et bouleversé l’ensemble de nos fonctionnements ainsi que notre relation à l’autre, sans forcément en prendre conscience.

Le mobile est devenu, la télécommande de notre vie, le prolongement de notre bras, le capteur de notre attention.

Nous le prenons près de 200 fois par jour pour le consulter pour tout et n’importe quoi. Regarder nos mails, les informations, faire des jeux, consulter nos réseaux sociaux… Et quand nous ne sommes pas dessus, nous sommes rappelés par les notifications qu’il y a quelque chose de nouveau pour nous.

La chasse à l’attention est déclenchée pour nous capter le maximum de temps. C’est d’ailleurs exactement les fondements de Facebook : comment nous garder le plus longtemps possible, comment nous faire revenir, nous rappeler ce qui c’est passé dans le mois, dans l’année, ou il y a quelques années. C’est aussi valable pour les autres réseaux sociaux.

Venir, rester et revenir : voilà leurs enjeux et leur fonds de commerce. Ces instants d’attentions captés de quelques secondes sont nouveaux, ils s’appellent les micro-moments.

Mobile : nous sommes tous accros

Tout le monde devient “accro”, et même ceux qui expliquent savoir prendre leur distance le sont. Certains gèrent certainement mieux que d’autres, c’est vrai, car beaucoup ne s’en préoccupent pas.

On consomme notre mobile en permanence : dans les transports, dans les salles d’attentes, dans les toilettes, au bureau, à table, au lit, avec une autre conséquence : la qualité et la quantité du sommeil. Tout ce temps passé sur notre mobile mord sur des moments auparavant libres, mais comme on a envie de faire plein de choses, on s’endort plus tard, on se réveille plus tôt pour retourner sur son objet préféré.

Nous sommes devenus si addicts que nous ne lâchons même plus notre mobile devant la télévision : nous devenons multi-device et répartissons notre attention entre deux écrans différents, avec une demi-attention pour chacun.

Ce qui est incroyable, c’est que nous avons de plus en plus d’objets à nous donner l’heure, et que nous avons pourtant de moins en moins de temps. Nous sommes de plus en plus pressés, et souvent de moins en moins disponibles pour les autres.

Je vois deux effets principaux sur nous :

  • La baisse de créativité
  • La pénurie d’attention
Trois collaborateurs de MV Group dans la cafétéria, dont deux avec leur téléphone dans les mains

La baisse de créativité

La créativité est possible quand on a du temps, ou plutôt quand on s’accorde du temps pour la favoriser. Aujourd’hui, tout le monde a peur de se laisser un temps, de se laisser s’ennuyer un peu, de ne rien faire pendant quelques temps.

Pour ma part, je privilégie beaucoup ces moments pendant les vacances. Et je peux mesurer que dès que j’ai un peu de temps à ne rien faire, j’ai systématiquement de nouvelles idées qui apparaissent d’un coup, presque comme par magie.

Les millenials, la nouvelle génération, ont peur de ces moments car ils ne les ont jamais connus. Ils sont nés avec le mobile accroché à la main et n’imaginent pas rester sans rien faire une heure ou deux.

Pourtant, une étude, menée par l’Academy of Management, a prouvé que l’ennui était source de créativité. Nous aurions de meilleures idées après une période d’ennui, et certaines personnes connaîtraient même un pic de créativité lorsqu’elles s’ennuient.

Être constamment connecté a donc peut-être un impact négatif sur la créativité, et à mon avis, cela ne fera qu’empirer.

La pénurie d’attention

Cette hyper-sollicitation de notre attention a des impacts sur nos fonctionnements. Je ne détaillerai dans ce billet que l’impact que je vois dans le monde professionnel, mais nous pourrions faire la même chose dans nos vies privées.

Vous souvenez-vous, en 2004, du scandale occasionné par Patrick Lelay, alors patron de TF1, lorsqu’il avait expliqué qu’il “vendait du temps de cerveau humain disponible” ?

Avec 15 ans de recul, on peut mesurer son cynisme, mais aussi la réalité des choses.

Si le monde de la communication, a souvent essayé de capter l’attention des acheteurs et consommateurs, c’est Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, qui en est le meilleur vendeur au monde !

Son réseau social est totalement gratuit, mais il a été entièrement pensé pour nous happer au maximum et le plus longtemps possible.

Le tout est centré sur la dopamine ! Qu’est ce que c’est ?

C’est un neurotransmetteur que notre cerveau sécrète et qui renforce la sensation de plaisir. Cette molécule biochimique a l’art de nous mettre en manque. Vous savez bien, lorsque vous avez posté un message sur les réseaux sociaux et que vous n’arrêtez pas d’aller voir si vous avez des likes ou des commentaires ! C’est là que la dopamine fait son travail : elle s’active lors d’actions généralement positives et renforce ainsi nos comportements (on en veut toujours plus).

Voilà comment on devient accro : on en veut encore et on y repasse du temps, ce qui augmente indirectement les revenus du réseau social.

Quelles conséquences dans nos entreprises ?

Dans un contexte de pénurie d’attention, on comprend bien les difficultés pour les marques à attirer le consommateur, mais c’est aussi vrai pour les médias (d’où les surenchères de titres racoleurs). C’est surtout vrai dans nos entreprises pour les salariés, les managers et les dirigeants : comment attirer l’attention de nos salariés, de nos clients ?

Dans nos entreprises, les comportements évoluent de la même façon qu’à la maison. Nous allons de plus en plus vite, nous avons de moins en moins de temps de réflexion car de moins en moins de temps d’attention.

Qui n’a jamais subi des réunions où tout le monde regarde son téléphone, son ordinateur, gère en même temps ses mails ou autre chose ?

Outre le manque de respect pour la personne qui parle, comment peut-on participer pleinement en apportant ses idées, en faisant ses remarques ?

Et, dans les flux d’informations développés par l’arrivée de l’informatique dans les bureaux, comment réussir à faire passer le bon message à ses équipes et s’assurer que chacun l’a bien lu, compris, mémorisé ? C’est à mon sens l’un des enjeux à venir les plus importants des entreprises.

Pendant trop longtemps, chacun s’est dit qu’il suffisait d’envoyer un mail et de mettre une dizaine de personnes en copie pour que tout soit OK. Force est de constater que ça ne fonctionne pas comme ça !

Collaboratrice de Mediaveille devant son poste-1

La formation doit elle aussi changer

Il en va de même pour les formations. Comment peut-on penser qu’il suffit de monter des kilos de slides PowerPoint et d’apporter des explications pour que la formation ait fait son travail ?

Ce n’est pas possible, nous ne sommes plus en mesure d’apporter autant d’attention et de mémoriser autant d’informations en si peu de temps.

Nous devons donc changer radicalement la transmission du savoir. C’est d’ailleurs ce que nous avons mis en place avec Stage301, notre école dans l’entreprise : beaucoup de cas pratiques et des méthodes d’enseignement inversées !

Capter l’attention des clients

Capter l’attention de nos salariés est un enjeu, mais pas le seul. Nous devons aussi le faire pour nos clients.

En effet, leur attention est consommée de la même manière : ils manquent de temps, ils sont sur-sollicités, nous ne sommes qu’un sujet parmi tant d’autres. Même si nos sujets sont importants pour le développement de leurs activités, ils n’ont pas le temps de s’y consacrer.

Mieux communiquer pour s’adapter à ces changements

La meilleure solution pour faire face à ces changements ? La communication ! Il s’agit de se faire comprendre par notre interlocuteur, et nous n’avons pas le choix : nous devons nous adapter.


À lire aussi : Le premier enjeu du digital : se faire comprendre par le plus grand nombre


Première étape : capter l’attention des salariés

En interne, pour les salariés, il s’agit de repenser nos fonctionnements :

  • Réunions sans écrans sous les yeux
  • Choisir ses messages et ne pas parler de tout
  • Être synthétique
  • Être plus visuel
  • Privilégier les moments spécifiques pour faire passer des messages.

Il est important de s’assurer que le message transmis a bien été intégré et compris : nous utilisons par exemple la solution Klaxoon pour avoir des feedbacks, et s’assurer que l’information a bien été mémorisée.

Mais le déficit d’attention concerne tout le monde, y compris les managers et la Direction Générale. Personnellement, je reçois, comme beaucoup, environ 150 mails par jour. Comment ne pas passer à côté d’un mail important dans ce flux ?

Deuxième étape : capter l’attention des prospects et clients

Les méthodes commerciales ont radicalement changé. Il n’est plus possible de prospecter “dans le dur” comme avant. Il faut attirer à soi le prospect, et souvent en répondant à sa problématique du moment. C’est de ce constat qu’est né l’inbound marketing, que développe notre filiale Winbound.

Dans la relation, il faudra aussi s’adapter à la problématique d’attention du client. Apprendre à être plus précis, plus clair, aller droit au but pour ne pas prendre trop de temps, faire des présentations plus concises, plus visuelles, et non plus des PowerPoint de 150 pages ou des mails à rallonges incompréhensibles.

Tout est à repenser : les formations, comme nous l’avons vu plus haut, les conférences, et même les prises de parole.

À chaque fois, il faut se poser la question suivante: en contrepartie du temps que j’ai accordé, ai-je obtenu une qualité d’information correspondante ?

Sur LinkedIn, par exemple, le format vidéo se développe fortement. Mais certaines ont pu me créer des frustrations, entre la promesse annoncée et la qualité du contenu, bien qu’elles durent entre 5 et 7 mn. Résultat : je n’ai pas commenté, et je ne regarderai pas les prochaines, car j’ai l’impression que l’on m’a volé de l’attention pour rien.

Respecter l’attention des autres… et la sienne

Nous avons tous un double défi à relever, d’abord en respectant l’attention de l’interlocuteur et en ajustant nos façons de communiquer, mais aussi vis-à-vis de nous-mêmes. Nous devons reprendre le contrôle de notre “capital attention” pour moins subir ce qui nous est imposé, et pouvoir accorder plus de temps à ce qui nous plaît ou à ce qui est important.

J’espère que cet article vous aura apporté quelques éléments, et que vous n’aurez pas le sentiment d’avoir perdu de l’attention 😀

Merci pour vos commentaires et enrichissements qui nous aident à nous nourrir et à adapter nos fonctionnements.

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Article écrit par

Olivier Méril

La stratégie digitale est un univers passionnant à explorer et encore plus à partager. Avec mes collaborateurs, nous avons à coeur de vous communiquer notre expérience et notre savoir-faire.

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